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Le monde n’a pas supporté l’aveuglante lumière de sa naissance. Il
s’est brisé comme un vase trop plein. Au milieu de ce chaos, l’artiste,
assembleur d’étincelles, a ramassé les tessons imprégnés de cette lumière trop
dense. Ils sont devenus tampons et sceaux entre ses mains. Et sur le Rideau du Temps qui
se dresse devant le Lieu sans fin qu’on nomme éternité, il inscrit le feu de
leur morsure. |
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A travers la pulsation de l’œil qui s’ouvre
brusquement dans un battement de paupière, tu peux voir en un instant le Rideau
du Temps. C’est un miroir de nuées étincelantes gardé par les Veilleurs aux
épées de feu tournoyantes. C’est un mur transparent griffé par
les éclats d’une mémoire aussi tranchante que les gestes de ces Sabreurs
Vigilants devant l’entrée du grand
portail qui débouche vers un temps sans frontière où
passé, présent et avenir s’entrecroisent pour tisser le Rideau du Temps.
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Devant le Rideau du Temps, les Sentinelles,
aux épées de feu tournoyantes, hachent le fil rigide d’une durée mortelle où
tout commence et tout fini sans autre issue possible. Ils tracent devant le
Rideau Vaporeux, les volutes d’un escalier
secret qui monte vers le ciel comme l’échelle dans le rêve de Jacob. Sur les
degrés de cette échelle qui relie ce que la mort sépare, des bibliothèques entières
s’alignent devant toi. Chaque livre est un vivant
pilier, une cariatide de la
mémoire, une stèle érigée. Chaque livre est du
temps concentré dans le corps des lettres et chaque lettre est un corps de
lumière et chaque page est un visage qui
intercepte ton propre visage pour te transmettre une histoire, un savoir
accumulé par des générations entières
d’assembleurs de lumière.
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Dès que tu aperçois le Rideau du Temps, tu comprends que tu es un maillon de cette
grande chaîne de l’aventure humaine. Tu deviens le
passager, à l’intérieur d’un train, dans
un wagon accroché à un autre wagon qui lui-même est accroché à un autre wagon.
Et tout va se déployant comme un grand arbre de vie qui pousserait à l’envers,
les racines dans le ciel avec le feuillage sur la terre.
Sur le Rideau du Temps
sont gravées
« toutes les générations des générations du monde et tous les
actes des générations du monde passés ou présents,jusqu’à l’épuisement de toutes
les
générations. » Et devant lui des hommes prient, car il est ce mur,
le Kotel de Jérusalem, fragment d’un Temple brisé, incendié, profané.
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Lorsque les pierres pleurent, tout se tait
alentour. Il n’y a plus ni jour ni nuit, ni saisons, ni vaines agitations
humaines. Lorsque les pierres pleurent, tu peux entendre les pulsations d’une
conscience universelle qui jaillit de l’ardent buisson de l’histoire humaine.
Ce sont les battements de cils du Rideau du Temps. Il est cet œil immense à l’éclat incendiaire
qui attise les braises de cette conscience sans âge à travers des objets oubliés, des photos
démodées, des regards persistants. Il est cet
œil radieux aux teintes de l’aube naissante des
souvenirs d’enfance. Il est cet œil froid qui
foudroie les profanateurs de temps qui ont osé décroché des maillons à la
grande chaîne de l’histoire humaine. Des particules de vies
fauchées nagent dans les prunelles de la Conscience. L’artiste aux ailes
couleur du Rideau du Temps, les intercepte et reconstruit à partir d’elles un
chaînon qui les rattache au grand anneau de la destinée humaine. Il fabrique tout ce qui peut contenir ces
étincelles égarées provenant du trop plein de lumière de la création du monde.
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Il fabrique des valises,
des cartons à dessins, des livres anciens. Il fabrique des façades illuminées d’une lumière qui
fait revivre les pierres. Il fabrique des fauteuils portant
les empreintes d’une présence absente. Il fabrique de grands autels devant le
Rideau du Temps qui claque au vent de la mémoire mouvante. |
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Dès que tu aperçois le Rideau du Temps, tu
comprends que ta vie n’est pas une salle d’attente de pas perdus dans un hall
de gare mais la grande salle d’un Temple, le Saint du Temple de la Mémoire.
Dès que tu aperçois le Rideau du Temps, tu
découvres que tu es devant le voile ou parohed qui s’érige devant le Saint des
Saints du Temple. Il arrive quelques fois qu’un grand prêtre soulève le Rideau
du Temps. Te dire ce qu’on n’y voit est impossible à dire. Seuls les
assembleurs d’étincelles parviennent à révéler, par delà le Rideau du Temps,
l’âme du Temps, qui est le Lieu sans fin qu’on nomme éternité.
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